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La nuit qui file sous les talons
--> Freedam

"Sitting there, alone in a foreign country, far from my job and everyone I know, a feeling came over me. It was like remembering something I'd never known before or had always been waiting for, but I didn't know what. Maybe it was something I'd forgotten or something I've been missing all my life. All I can say is that I felt, at the same time, joy and sadness. But not too much sadness, because I felt alive. Yes, alive. That was the moment I fell in love with Paris. And I felt Paris fall in love with me."

Une jolie journée s'éteignait doucement sur les canaux, les lumières des coffee shops et autres vitrines ponctuant la nuit naissante d'une kyrielle de tâches colorées. Les ténèbres étaient tièdes, les rues clairsemées, et le cœur à la joie. Je baladais nonchalamment ma solitude, dessinant sur mes pensées une histoire à écrire et accrochant le paysage mouvant à mes pupilles. Puis tout à coup, comme ça, je me suis dit et si. Et si, par exemple, je me mettais à courir, là, maintenant, tout de suite. En pleine rue, sans raison, peu importe les gens. Et si, je trouvais le courage d'agiter mes pieds et de lancer mon corps dans la vitesse, d'accélérer le tableau. Pour le délice de la liberté de le faire. Pas parce que j'aime courir, pas parce que j'en avais envie, je suis du genre à m'étouffer en quelques foulées. Pas pour ça donc, mais pour l'impulsion de l'acte gratuit. Juste pour l'acte gratuit.

Ça n'a pas été facile, mes semelles collées au bitume par le regard des autres et la conscience de la lourdeur de mes gestes, ça n'a pas été facile, mais j'ai fini par me convaincre. Mes pas avaient beau hésiter, intimidés, peu à peu ils s'étiraient, s'élançaient. Jusqu'à bientôt dévaler au hasard les ruelles tranquilles et les quais sans parapet, sur la bordure étroite rognée par les voitures, vélos et lampadaires, au-dessus de l'eau assombrie. Le sourire avait grimpé à mes lèvres et n'en démordait pas, tandis que le sentiment intense d'être en vie se répandait dans le moindre de mes pores, accompagné d'une bouffée grisante de liberté.

Je ne me suis arrêtée que lorsque mes poumons se sont trouvés au seuil de l'implosion, et je me suis assise sur le rebord d'un canal, les jambes ballantes. Lorsque je me suis remise debout, pour la première fois depuis que j'étais à Amsterdam, j'ai pensé à lever le nez vers les étoiles. Et j'ai décidé de ne pas aller me coucher avant d'avoir trouvé la Grande Ourse, qui échappait avec acharnement à mon regard. A la place, j'ai rencontré un réfugié ouzbek qui se promenait à vélo et avait pour hobby de dénicher les objets éparpillés dans les rues. J'ai fini par repérer la grande casserole quelques minutes après lui avoir dit au revoir.

La liberté la plus vive, c'est celle qui s'impose comme sa propre fin, sans autre motif que celui de ne pas en avoir.


Ecrit par Plog, le Mercredi 23 Février 2011, 13:12 dans la rubrique I'm Not There.