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Vendredi (18/11/11)
Des endroits et des odeurs

L'odeur est une des perceptions les plus difficiles à fixer dans le temps. On peine à se remémorer des effluves, on ne peut pas vraiment faire réapparaître le souvenir d'un parfum, sans l'avoir sous le nez on n'en garde qu'une idée très vague. On peut savoir la senteur que portait quelque chose, sans pour autant être capable de la sentir par la pensée.

L'odeur est une des perceptions les plus difficiles à fixer dans le temps, et pourtant elle est souvent la seule chose qui s'attarde d'une personne qui s'absente, la seule trace fugitive mais concrète que son passage laisse derrière elle. L'odeur qui se dépose sur les vêtements, imprègne les draps, s'accroche à l'épiderme. Le paraphe de la peau, le testament de l'étreinte.

Je crois que c'est son odeur qui m'a le plus convaincue, c'est la première chose que j'ai remarquée d'elle, et sans doute celle qui me laisse le plus nostalgique. Parce que mon souvenir le plus fort de cette soirée-là, c'est son parfum, blotti entre mes bras dans le creux de la nuit et attaché à l'oreiller au petit matin.

J'ai beau manquer de nez, je suis pourtant étrangement sensible aux odeurs, et ce n'était pas la première fois que l'une d'elles m'attiraient contre un autre corps. D'ailleurs, dans le fait de fumer une cigarette, il me semble que ce que j'aime le plus, c'est l'arôme qui s'enroule et se fixe au bout de doigts.

Mais la dernière fois, j'ai eu beau le chercher dans la nuit, elle n'avait pas mis son parfum.


Je ne sais plus très bien si c'est moi qui ai adopté Montréal ou Montréal qui m'a adoptée. Probablement un peu ou beaucoup des deux. En tout cas je me sens à la maison ici. Dans les rues, les parcs, les salles de cours même, les bars, la bibliothèque. Dans la maison, dans ma chambre, avec mes douze colocs. Je me sens à la maison partout et en tout, et je ne me suis jamais sentie aussi chez moi dans ma vie.

Même si c'est fou de penser qu'il y a tout juste trois mois j'étais encore en France et qu'il y a six mois je sillonnais les voies ferrées de l'Europe avec mon sac à dos. J'ai dû regarder le calendrier plusieurs fois pour me persuader que je ne me trompais pas dans mes calculs. Ça fait déjà si longtemps? Six mois, c'est la moitié d'une année, six mois, c'est comme une éternité, et j'ai autant l'impression que c'était hier, que l'impression qu'une vie entière est passée depuis. Trois mois, c'est déjà presque la fin de la première session, et même sans l'appréhension des examens, j'ai du mal à y croire.

Peu importe, il suffira de célébrer ce soir.

Ecrit par Plog, à 18:41 dans la rubrique I'm Not There.
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Mercredi (23/02/11)
La nuit qui file sous les talons
--> Freedam

"Sitting there, alone in a foreign country, far from my job and everyone I know, a feeling came over me. It was like remembering something I'd never known before or had always been waiting for, but I didn't know what. Maybe it was something I'd forgotten or something I've been missing all my life. All I can say is that I felt, at the same time, joy and sadness. But not too much sadness, because I felt alive. Yes, alive. That was the moment I fell in love with Paris. And I felt Paris fall in love with me."

Une jolie journée s'éteignait doucement sur les canaux, les lumières des coffee shops et autres vitrines ponctuant la nuit naissante d'une kyrielle de tâches colorées. Les ténèbres étaient tièdes, les rues clairsemées, et le cœur à la joie. Je baladais nonchalamment ma solitude, dessinant sur mes pensées une histoire à écrire et accrochant le paysage mouvant à mes pupilles. Puis tout à coup, comme ça, je me suis dit et si. Et si, par exemple, je me mettais à courir, là, maintenant, tout de suite. En pleine rue, sans raison, peu importe les gens. Et si, je trouvais le courage d'agiter mes pieds et de lancer mon corps dans la vitesse, d'accélérer le tableau. Pour le délice de la liberté de le faire. Pas parce que j'aime courir, pas parce que j'en avais envie, je suis du genre à m'étouffer en quelques foulées. Pas pour ça donc, mais pour l'impulsion de l'acte gratuit. Juste pour l'acte gratuit.

Ça n'a pas été facile, mes semelles collées au bitume par le regard des autres et la conscience de la lourdeur de mes gestes, ça n'a pas été facile, mais j'ai fini par me convaincre. Mes pas avaient beau hésiter, intimidés, peu à peu ils s'étiraient, s'élançaient. Jusqu'à bientôt dévaler au hasard les ruelles tranquilles et les quais sans parapet, sur la bordure étroite rognée par les voitures, vélos et lampadaires, au-dessus de l'eau assombrie. Le sourire avait grimpé à mes lèvres et n'en démordait pas, tandis que le sentiment intense d'être en vie se répandait dans le moindre de mes pores, accompagné d'une bouffée grisante de liberté.

Je ne me suis arrêtée que lorsque mes poumons se sont trouvés au seuil de l'implosion, et je me suis assise sur le rebord d'un canal, les jambes ballantes. Lorsque je me suis remise debout, pour la première fois depuis que j'étais à Amsterdam, j'ai pensé à lever le nez vers les étoiles. Et j'ai décidé de ne pas aller me coucher avant d'avoir trouvé la Grande Ourse, qui échappait avec acharnement à mon regard. A la place, j'ai rencontré un réfugié ouzbek qui se promenait à vélo et avait pour hobby de dénicher les objets éparpillés dans les rues. J'ai fini par repérer la grande casserole quelques minutes après lui avoir dit au revoir.

La liberté la plus vive, c'est celle qui s'impose comme sa propre fin, sans autre motif que celui de ne pas en avoir.


Ecrit par Plog, à 13:12 dans la rubrique I'm Not There.
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Lundi (17/01/11)
Dans le port d'Amsterdam

J'ai jamais voyagé avec aussi peu de choses. Pourtant j'avais l'essentiel, le feutre calé sur ma tête, le cou plongé dans le keffieh, le Polaroid qui s'y balance, et un recueil jauni d'Aragon au fond du sac. Plus June & Lula en fond sonore.
Je suis jamais revenue avec autant non plus, dans la tête, les yeux et les oreilles, dans le cœur et les poumons, sans doute même jusqu'au bout des doigts (là où l'écriture frémit).
D'ailleurs, y a cette question très stupide qui m'a sautée dessus quand je suis sortie de l'auberge de jeunesse, au moment précis où je passais la porte et attaquais les marches pour rejoindre le trottoir. "Est-ce que je suis la même personne que quand j'ai franchis cette porte dans l'autre sens, quatre jours plus tôt?" Évidemment, non. Le mouvement perpétuel, c'est un truc universel, et ça n'épargne pas l'individualité (Encore heureux, sinon qu'est-ce qu'on se ferait chier. Y a pas que se découvrir soi et les autres dans la vie, y a aussi redécouvrir tout ça à chaque instant, et c'est même plus important).
Mais là, le changement, il était bien imprimé, jusqu'au bout des doigts de ma personnalité. Parce que mine de rien, s'échapper cinq jours en terre étrangère sans repère humain, ça fait voyager encore plus loin.

Avec Amsterdam, ça n'a pas été un coup de foudre instantané, c'était plutôt une conquête progressive et subtile, un charme qui s'instille en délicatesse pour mieux s'accrocher. Il y a tellement à aimer là-bas, la beauté de la ville aux premiers rayons du soleil, l'esprit ouvert à l'extrême (même que c'en est parfois dérangeant, par exemple les madames en vitrine), l'atmosphère d'ensemble à base de mélange incroyable.

J'ai rencontré des tas de gens, des Espagnols, des Suédois, des Anglais, des Néerlandais, des Irlandais, des Suisses, des Grecs, des Français, un Brésilien, une Israélienne, un Italien, un Argentin, un Polonais, un Ouzbek, ... Des touristes, des natifs, des immigrés, des indécis, ...
Alors, forcément, question échange, ça a été quelque chose (même avec ceux avec qui j'avais pas de langue en commun).

J(e dés)organisais mes journées comme ça me prenait, et le soir, je revenais me poser, discuter, fumer, rire, au bar de l'auberge.
Tous les avantages d'être en solitaire sans la solitude.
Je pouvais m'émouvoir et m'attarder comme bon me semblait devant des toiles de Van Gogh, un joli canal ou une exposition de photos, manger quand mon estomac grognait et suivre mes pieds là où ils me menaient, et puis juste retrouver des gens quand la nuit se faisait dense. Pour s'aventurer à une heure du matin dans une salle de billard à la déco psychédélico-Doors, par exemple.

C'était pas seulement de l'émerveillement, de la découverte, du dépaysement et du partage. C'était aussi du bonheur, pur.


(Un inconnu m'a abordée le premier soir, juste pour m'offrir ce portrait de moi)

Ecrit par Plog, à 20:13 dans la rubrique This house is a circus.
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2010 is dead, long live 2011
La neige formait un tapis si épais que les roues des voitures s'y empêtraient. Alors il a fallu finir à pieds, grimper la colline avec l'énorme sac et toute la pluie-neige qui s'abattait encore. On est arrivé trempé et soulagé de l'être (arrivé, pas trempé), mais en fait, cette expédition, ça me faisait sourire à l'intérieur. Et puis il y a eu cette semaine coupée du monde, retranchés dans ce centre perdu dans la forêt, cette semaine complètement différente, où on riait tellement qu'on avait l'impression de très bien se connaître et pas du tout d'être en formation.

Le retour à la réalité était étrange, à une poignée d'heures seulement de Noël, au milieu des morceaux de famille qui se rassemblaient et des flocons qui fondaient. Caillou (le plus p'tit des grands frères) a passé le réveillon à m'appeler Morticia et se foutre de ma tronche en manque de sommeil. Et ça me faisait juste sourire, toutes les vannes des grands frères, parce que c'était bien d'être ensemble, d'être un peu comme avant. Plus tard, Caillou nous a fait écouter Bang Bang , pour une raison floue, mais c'était touchant, quand il nous a parlé avec une gravité soudaine de la beauté de la chanson et de son envie de pleurer en l'écoutant dans son appart.

Tout comme c'était touchant de découvrir la tendresse de Nours (le moyen des grands frères) envers la fille de sa copine. Parce que Nours, c'est un type cynique qui se veut très sombre, toujours à vouloir jeter les bébés par les fenêtres et achever les grands-mères, à jouer son rôle de grand indifférent bourru. Mais avec elle, pareil qu'avec moi quand je faisais mes trois pommes, il est adorable. D'autant plus qu'il nous a annoncé qu'il allait être papa, et on sait tous qu'il en sera un bon.

Le 25 au soir, c'était une autre histoire, ma fausse grand-mère m'a à peine reconnue, ma cousine faisait mal à voir avec sa saloperie de maladie, toute décharnée et tremblante, et même le saucisson n'était pas bon (et ça, faut le faire quand même). Mais on est descendu à six pour "promener le chien" (parce que ça fait mieux devant les parents que de dire qu'on va griller des clopes et partager un joint de Noël, bizarrement) et il y avait du vin, alors on a survécu.

Le 31, on a mélangé les heures et les langues pour trinquer, parce qu'il fallait honorer l'Indien, le Roumain, les Français et la flopée de Grand-Bretons présents (j'en oublie sûrement). Avec ces décomptes à répétition, on n'a pas dû la louper quand elle est passée, cette nouvelle année. Moi j'ai passé le repas à une table sans fin (dont la moitié s'est écroulée au beau milieu du dîner), tassée entre Rob' et une lesbienne moqueuse qui m'accusait d'avoir une double vie (à cause de Leisha Hailey, Dana Fairbanks et la bague à mon pouce). Un sujet qui est d'ailleurs revenu plus que jamais ce soir-là, allez savoir pourquoi.
On s'est plié à la bataille de cotillons mais on a diversifié un peu en embusquant Rob' pour l'enrouler dans du PQ (mission échouée), parce que j'avais réussi à faire une tortue (et un ouistiti) en fil de fer.
Vers trois heures du matin, Fish a disparu, on s'est lancé dans la ville à sa recherche, mais trop de nouvelles années s'étaient enchaînées dans la soirée pour que j'arrive à prendre l'histoire au sérieux. J'étais avec un Roumain schizophrène à gueuler le nom de Fish dans les rues, à partir dans des fous rires en causant loup-garous, à s'amuser à dévaler et remonter une pente en courant et à sauter dans les tas de restes de neige (et à aborder un inconnu qui rentrait chez lui pour débusquer un numéro de taxi). D'autres ont fini par retrouver Fish échouée sur les quais (ironique) et on est tous rentré attaquer la vodka, les chocolats et le poker (tous, sauf Rob' qui faisait la gueule parce que j'avais atterri dans les bras du Roumain, et Fish qui s'était écroulée).
J'y suis d'ailleurs restée jusque très tard le matin (dans les bras du Roumain). C'est le genre de types qui n'aime pas parler de son passé ou de sa famille (pas pour jouer les mystérieux, jusque parce que c'est sérieusement fucked up), pourtant il m'a raconté (presque) toute sa vie. Et il m'a même chanté une berceuse Roumaine pour m'aider à dormir (ça aussi, c'était touchant). Tout ça, et un peu plus, pendant que les autres ronflaient, entassés dans une pièce minuscule.
Levée à peine une ou deux heures après avoir fermé les yeux, quand toute la maison dormait encore, j'ai passé le reste de la matinée à effacer le chaos qui avait envahi les lieux, avec le père de l'amie qui recevait et une Grande-Bretonne. Ça occupe.
Quelques heures plus tard, après une suite compliquée d'événements, on s'est installé, Fish, le Roumain, deux boîtes de pop-corn et moi, au cinéma, devant Megamind, à célébrer la nouvelle année en se tordant de rire (avant de finir chez le Roumain).
Ça faisait longtemps que je me promettais de plutôt réussir un réveillon.
Ecrit par Plog, à 18:16 dans la rubrique I'm Not There.
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Vendredi (10/12/10)
Snapshot
N'empêche que le cimetière des containers, sous la neige et en haut de ma benne préférée, à écouter les Beatles pendant qu'un type boxe dans le vide ou à fumer en lisant Sartre, c'est encore plus magique. Et le froid disparaît.

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J'ai ouvert le livre au hasard sur ces mots, et j'ai su qu'il fallait que je le lise, dès la première phrase, surtout les premières phrases:

"Le soleil s'enlise inexorablement dans la mer. Il a beau s'agripper aux nuages, il ne parvient pas à empêcher la dégringolade. On voit bien qu'il déteste se prêter à cet exercice de mise en abîme, mais il n'y peut rien. Toute chose en ce monde a une fin et aucun règne n'échappe au déclin."


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Ce truc que les gens décrivent à propos de l'amour... Quand tout disparaît autour, que c'est la seule chose qui existe encore, que le sang s'affole dans les veines, qu'une infinité de possibles tout neufs bondissent aux yeux, que le temps panique mais qu'on l'a de toute façon bien oublié, ouais ce truc-là tout niais. Moi, c'est l'écriture.
Ça faisait longtemps, j'ai attendu le dernier moment, et puis j'ai passé l'après-midi entière à attaquer frénétiquement le clavier, sans rien faire d'autre à part descendre un paquet entier de chewing-gums (mon addiction secrète plus si secrète), absorbée dans l'intensité toute entière. Et putain qu'est-ce que c'est bon. (Pas le texte, le texte est nul, et ça n'a aucune importance)

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Ces derniers temps, ça a l'air d'amuser mon cerveau complètement idiot de me faire régulièrement tomber presque amoureuse de presque inconnues. L'avantage, c'est que ça passe aussi vite que ça débarque. A part la fille de fin d'été, celle qui tangue.
D'un autre côté, y a ce type, ce type qui me parle devant une bière, de voyages, de redécouvrir Paris, d'une soirée face à la mer, de tomber amoureux d'une ville. Ce type qu'est franchement bien, mais rien. Juste rien.

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Je ne sais pas grand chose d'Amsterdam et j'ai jamais eu envie d'y aller plus qu'ailleurs. Je suis d'autant plus pressée de monter dans le train. Même pas un mois, peut-être un canapé, et juste moi.
Les gens ne comprennent pas mes envies de me balader ou de voyager seule. C'est pas que j'aime pas les gens ou qu'y aurait personne pour me suivre. Juste, je suis bien comme ça. J'apprécie les choses différemment sans une présence connue. Et peut-être aussi que je n'ai jamais rencontré quelqu'un qui se plairait autant dans mes errances, mes improvisations, mes pauses et mes paysages. (Enfin, pas vraiment les miens, ceux du moment)

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C'est des changements infimes, ça se voit pas à l'extérieur, c'est pas comme l'Activia. Et honnêtement, ça n'a d'importance qu'à mes yeux, mais ça me suffit. C'est tout bête pourtant, par exemple, ne pas se hâter pour se réfugier dans la chaleur morne et grouillante du Forum des Halles. A la place, aborder un inconnu, deux mêmes, pour glaner une cigarette, et se planter droit sous la première neige de la saison. L'accueillir avec un petit filet de fumée et un grand sourire.

Ecrit par Plog, à 19:22 dans la rubrique This house is a circus.
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Mardi (23/11/10)
Collision
--> Ou comment j'ai (re)découvert Aragon


Y a des jours comme ça, où on retrouve un bout de verre dans sa peau.
Alors, même si le temps de se recroqueviller est passé, ça ramène quand même à la surface des morceaux épars comme les débris d'une vitre.

Un accident, un vrai , c'est pas comme dans les films.
Non, c'est ni cet énorme fracas de tôle froissée, de crissements de pneus et d'explosions en chaîne, à la percussion instantanée, ni non plus cette collision au ralenti où l'on voit chaque petite parcelle se heurter dans un silence tétanisant.
En fait, en vrai, c'est un foutu mélange des deux.
Ça arrive tellement vite et on y croit tellement pas qu'on n'a même pas le temps de s'en rendre compte. Un instant on est là, sur son vélo, à voir la voiture nous foncer dessus et à se dire que ça peut pas arriver pour de vrai. On a à peine le temps de penser ça, que c'est déjà l'instant d'après, celui où on est figé au beau milieu du rond-point, avec le sang qui dégouline sur son vélo et ses chaussures.
Du coup, y a rien, pas de bruit, et pas plus de souvenir. Néant, le trou noir, à la place de ces quelques secondes de notre existence. Et quelles secondes.

Il paraît que j'ai eu énormément de chance, parce que ça aurait pu être tellement pire. Pourtant, je me sens pas du tout chanceuse. Parce que j'aurais aussi pu ne pas me prendre de voiture. Et que c'est pas de la chance de l'avoir fait.

Mais ça aura au moins eu le mérite de me replonger un peu dans la poésie. Ces premiers soirs où j'étais seule avec la nuit et la colère qui grouillait dans mes veines, y avait que ça qui me calmait. Prendre au hasard un recueil de poèmes sur mon étagère, et lire la page où il s'ouvrait. Puis la suivante, et celle d'après. Ou d'avant. N'importe, juste lire.
Eluard, Apollinaire, Aragon... Surtout Aragon.
Au bout d'un moment, la fatigue supplante doucement le reste. Alors on marmonne comme une incantation, les mots qui se bousculent et les sens qui se heurtent, le poème se fond en une coulée apaisante et hypnotisante de sons qui se font écho.
Ecrit par Plog, à 21:28 dans la rubrique I'm Not There.
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Mardi (19/10/10)
Trouver les sentiers perdus au cœur de la ville
--> Trouver les chemins égarés au creux de la vie

J'écrase du bout du doigt les cylindres de cendre dans mon porte-encens qui ne désemplit pas. Il y a cette voix douce qui résonne tout bas dans ma tête et dans ma chambre, il y a la pluie qui chatouille mon velux, et je m'en fous. Et c'est nouveau, cette sérénité contre les éléments. Qui m'amène jusqu'à m'échouer dans Paris, comme la baleine cassée de mon parapluie, pieds nus et le sourire qui déborde sur tout le visage. Qui me mène à le refaire, chaque fois que l'envie m'en prend.

Comme le reste, parce que c'est ce que j'apprends, à tout petits mais délicieux pas, suivre le désir, écouter l'impulsion. L'idée stupide ou ridicule, l'idée un peu folle, l'idée charmante, l'idée qui devient un geste. C'est tellement infime dans le temps, ce passage de la pensée à l'acte, mais dans l'espace -celui dans mon crâne-, c'est un fossé énorme. Quand il s'agit de choses vraies.

Et du vrai, du vivant, j'en ai eu, j'en ai créé, j'en ai chassé beaucoup ces derniers temps. Plus que je ne l'ai jamais fait. C'est pas que j'avais pas la possibilité, juste que je ne lui insufflais rien, à ma liberté. Heureusement que j'ai réalisé, avant d'en prendre davantage, que ça ne servirait à rien, si je ne profitais pas de celle que j'avais déjà.

Puis que j'ai aussi compris que, avant de chercher le dépaysement ailleurs, il faut déjà le trouver en soi. Et dans le quotidien qui nous entoure. Se fabriquer une nouvelle paire d'yeux à poser sur le connu, pour y débusquer une perspective étrangère, ou même y découvrir des pans entiers qui nous avaient jusque là échappé.


Ça aide forcément de ne pas avoir été là pendant un an, mais ça va au-delà de ça quand j'essaye de regarder les paysages et les gens d'un angle neuf, comme un photographe en quête d'un nouveau cadrage. Et j'ai pas à me pousser beaucoup, ça devient presque une sorte d'instinct. Pas seulement ne plus laisser de zones d'ombre, savourer aussi -surtout, peut-être- la rencontre avec ces parcelles inconnues.

Paris, par exemple. J'ai toujours vécu juste à côté, et évidemment je m'y suis déjà baladée, évidemment que j'en ai déjà profité. Pourtant je connais au fond à peine la capitale, et je n'ai jamais été véritablement à sa rencontre auparavant.

J'aurais presque des airs de touriste à écarquiller comme ça le cœur en arpentant les rues encore et encore, sauf que c'est bien plus que ça. Je ne me promène même pas, je m'imprègne, j'absorbe la ville, les grands boulevards, les parcs, les petits rues piétonnes, les marchés, l'atmosphère particulière, les artistes de rue, les monuments, la Seine, les immeubles, les odeurs, les gens, les quais, le fourmillement de la vie, les aspects laids aussi. Et j'en ressors différente, quelque part.
Ça ne sert à rien de partir loin quand je n'ai pas encore appris tout ce qui en vaut la peine par ici.


Depuis Septembre, depuis que je tends à habiter l'instant, il y a eu tellement de moments magiques. Chacun à sa façon propre.

Par exemple.

La nuit seule dans la forêt, perchée dans un arbre, un rêve de gamine, à se sentir terriblement vivante, en dépit du froid et du manque de sommeil.

La rencontre avec l'homme qui ne pouvait pas entendre le silence, qui a joué de la guitare et chanté, rien que pour mes oreilles, au bord de la Seine. Et parfois, elle dérapait un peu sa voix, mais c'était encore plus beau, tellement il était sincère.

La balade sur les rails désaffectés avec une poignée de gamins inconnus et morts de trouille, le point rouge de la cigarette dans le tunnel obscur, le retour surprenant dans la ville, les adieux à peine formulés, la joie de l'aventure.

Le cimetière des bennes, la vue juchée sur la plus haute, vacillant sous la rouille, tandis que d'autres disparaissaient sous la végétation et les inscriptions. Les mots griffonnés fébrilement dans tous les sens sur un ticket de caisse.

Toutes les rues prises au hasard, à cause d'un air séduisant ou d'un nom poétique, ou même sans raison, tous les pas alignés sur des coups de tête, tous les jolis horizons heurtés à mes errances, toutes les existences frôlées.

Par exemple.


Pourtant, j'ai toujours été si loin de l'improvisation. C'est dans ma nature de planifier, organiser, prévoir les éventualités, c'en est même compulsif. Ou c'était dans ma nature, je ne sais plus. Parce que je change, beaucoup -pas que de cet aspect là d'ailleurs-, et ça me rassure. J'avais très peur de ne jamais pouvoir surmonter mes tendances innées pour me permettre les élans piégés derrière.

Ma vie elle est jolie en ce moment, et c'est encore mieux que belle, parce que ça dépasse le simple bonheur. Y a la poésie et les vibrations en plus. Y a la signification. Y a toutes ces choses qui me hantent que j'effleure enfin. (Et même si c'est pas ce que je poursuis, être heureuse au passage, ça fait quand même du bien.)
L'immense incertitude du futur ça ne m'inquiète même plus, au contraire en fait, ça me réjouit de ne pas savoir. Parce que tout est possible.

Quand les gens me parlent de trouver sa voie, je pense à chercher ma voix. J'ai beau me disperser comme d'habitude dans des textes en pagaille, c'est pas grave, parce que c'est déjà quelque chose. Déjà semer des bouts de soi, et semer des bouts de soi, c'est créer. Et puis je suis tombée par coïncidence sur ces hésitations d'un de mes auteurs préférés, et malgré tout son succès et tous ses livres, il me semble y retrouver mes propres vacillements.
Ecrit par Plog, à 21:41 dans la rubrique This house is a circus.
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Mercredi (06/10/10)
Empiler les mots sur la colère
--> (Autant contre moi-même que contre le reste)
Je comprends toujours pas vraiment. Je sais que je peux être infiniment stupide comme fille, que je l'ai été, mais n'empêche que j'assimile toujours pas. J'ai perdu le fil quelque part, entre cette après-midi un peu incroyable et cette fin plus que moche. Entre le canal Saint-Martin, les Afghans charmants, leurs clopes, leurs pistaches et leur vodka, et puis le dérapage sur le retour, la sale trace sur ma joue, l'énervement qui courait jusque dans mes phalanges serrées -et se terre toujours dans mon ventre, revenant par vagues dans le bout des doigts-, et mes pieds nus qui claquaient dans les rues. La sale trace sur ma joue.

Personne n'a encore vu, mais si on me demande, je me serai pris un poteau. Évidemment.
Je m'en fous d'avoir mal, c'est juste un très mauvais pense-bête.

Le pire, c'est que j'ai toujours du mal à y croire, j'ai cette foutue naïveté envers l'humanité, et leurs apparences adorables. Je me demande si c'est juste celui-là, ou juste l'alcool sur celui-là, j'en sais rien, je me rappelle juste mes poings qui cognaient contre lui, quand j'ai percuté que le temps des mots était passé. Et la douleur que je savais être là, sur ma peau, mais que je sentais à peine.


En plus, aujourd'hui ça faisait trois ans. Trois ans sans toi. Trois ans sans toi, dans ce monde. C'est triste, mais c'est qu'il a eu le temps de se reconstruire depuis.


(C'est drôle quand même, parce que dans le train à l'aller, je me disais justement que j'essayais même pas, mais que j'étais heureuse.)
(Et puis aussi, j'attendais pour écrire, parce que j'arrivais pas à tout condenser -c'qui est plutôt bien, c'est plus fort, le pas condensable-, mais je m'attendais pas à écrire pour un truc comme ça. D'ailleurs, ça aussi c'est sacrément idiot, mais il fallait bien que je plaque les sentiments quelque part cette fois.)

En attendant, j'ai décapité un paquet de Gummi Bears. Bien fait pour eux.
Ecrit par Plog, à 22:12 dans la rubrique This house is a circus.
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Mercredi (08/09/10)
Les jours volés
--> En décalage(s)
Que voy a hacer, je suis perdue ♫

C'est étrange, d'exister en décalage, à ce rythme différent des autres. Ou plutôt dans une absence de rythme, une liberté qui se mord la queue. C'est pas que ça me gêne de voir le monde démarrer sans moi, c'est juste que je n'arrive pas à trouver ma trajectoire, ni même simplement le pas suivant. Et j'ai pas la moindre idée de comment commencer à chercher. Je dérobe mes jours à la Grande Course universelle, je lui arrache un espèce de sursis, et ça ne me plaît pas vraiment. C'est autre chose que je poursuis.
Mais il y a des minis-contraintes qui s'opposent aux grands projets, et même écrire, surtout écrire, ça coince, j'en ai le clavier qui grince. C'est que j'ai tellement d'histoires qui se bousculent dans la tête (toute une foule de personnages qui réclament à grands cris un bout de vie) que je n'arrive pas à me fixer à en conduire une seule de l'éclosion à la maturité. D'autant plus frustrant que le seul obstacle se situe dans les courants d'air de ma propre inconstance.
Et puis, déjà que je ne parviens pas à faire comprendre l'idée de cette année à certains de mes amis et que personne n'a non plus les raisons toutes entières (nombreuses et compliquées), quand je dois l'expliquer à des quasi-inconnus en trente secondes chrono, entre ça va très bien, et vous? et merci pour la compote, oui je passerai le bonjour à mes parents, ben forcément, je me trahie par des raccourcis vagues et des haussements d'épaules. Quelques sourires et un ou deux acquiescements plus tard, ils n'ont aucune idée du pourquoi du comment, évidemment.

Et pour finir sur une note très profonde, je ne trouve pas de gens pour aller à la fête de l'Huma, faute de motivation ou de sous, et ça craint beaucoup.

Ecrit par Plog, à 15:58 dans la rubrique This house is a circus.
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Mardi (31/08/10)
Ma faute à toi ♪
--> Quelque chose s'est passé pour moi ce soir-là
Parce que depuis, cette fille me tangue dans le ventre.
Ça fait des papillons et des fourmis, tout un troupeau qui se noue en boule. Essaye de s'échapper, se heurte aux parois, et étouffe d'être là.
La soirée s'est enchaînée de rires en bières et de bières en rires, avec beaucoup de conneries, du champagne, de la peinture, un barbecue... Des jeux au milieu de la nuit et de la salle des maternelles.
Et puis, et puis, elle qui dansait, sa voix, son sourire. Tout en chamade dans ma tête. Alors que je ne la connais pas, ne la connaitrai jamais.
Ses clopes disparues, ses bribes de révélations alcoolisées. Ses remarques ambigües, alors qu'elle ne me voyait pas, pas là, pas comme ça.
Les fous rires à l'arrière de la voiture en trombe dans la ville, ses cris pour effrayer les cyclistes. Sa silhouette sur le trottoir sombre. Le tout dernier aperçu, sans le savoir.
Son image floue mais qui ne parvient pas à s'effacer, alors qu'elle n'a aucune raison d'être. Alors que je ne devrais même pas l'avoir remarquée.
(D'après grand-frère, elle et A. m'ont bien aimée, ça m'a fait mal de rire. S'ils savaient.)


Mais c'est même pas grave.


Parce qu'avec grand-frère, on a beau n'être au fond pas si proche, on se fabrique des instants précieux, à s'inventer une faune à pois, cure-dents, et mammouths en se promenant dans les bois, et à transcender la vieille ville par les traboules. -On croirait plonger dans un autre univers, qu'il a (presque) dit.-
(Mais il dit aussi beaucoup de conneries, grand-frère, il paraît qu'il aurait même dit que j'étais une fille bien)
Parce que j'ai marché pieds nus dans la montagne, vu le Mont-Blanc perchée à trente mètres de haut dans un arbre, nagé dans le lac jusqu'à ma bouée, fait la course à vélo avec un chien-loup, assisté à une boum agitée de cinquantenaires, échappé à une horde massive de lilliputiens portés sur les bisous.
Parce que j'ai vu défiler les champs, joué au Uno à la lueur d'une bougie, visité des plantes carnivores, initié Rob' au pseudo-camping, zieuté les étoile passagères en pleine campagne, goûté la culture locale -les jeux et les alcools.
Parce qu'il y a des fois où la vie est simple et les questions se mettent en pause. Parce que l'Allemagne c'est finalement pas si loin. Parce qu'avec Manchot, on fait le tour de la ville et du lac sans même avoir évoqué la direction à prendre, et puis qu'on improvise un combat de bambous dans la nuit, avant de partager un transat pour observer ce qui brille là-haut.
Parce que le mois d'août, même quand les vacances s'improvisaient en boulot, était un peu magique. Surtout à sauter de train en train, et même les doigts de pied dans les orties.

Et que c'est comme ça que s'était achevé Juillet:

J'ai regardé une dernière fois le centre alors qu'on s'éloignait en marche arrière, et j'ai pensé, c'est con comme c'est symbolique. De partir comme ça. Et puis j'ai pas eu le temps de l'amertume, parce qu'on grimpait les rues étroites avec l'autoradio à fond, les voix qui dansent, et le sourire incontrôlable. Qu'on s'est enfoncé dans la forêt et tous les souvenirs des dimanches de quand j'étais gosse par cette petite route. Et puis la campagne, les petits villages, si près pourtant de la banlieue. La maison-catalogue déco', sans un poil de fouillis ni de mauvais goût. Les récits de cette dernière journée, les blagues sur les gamins, le Ti Punch. Les bulles qui s'élèvent en douceur dans le cerveau, le magnétisme des capsules sur mon front, le reste flou et très joyeux. Le retour particulièrement animé dans la voiture dans la nuit, les détours par les petites rues pour éviter les contrôles de police, les débats vaseux à propos du Texas, de ses villes et de ses animaux sauvages.


Aussi, parce que ça balaie les miettes de sentiments que je ne m'efforçais déjà plus de rassembler. Et du coup, ça achève de réaliser le premier de la poignée de vœux que j'ai lancés aux étoiles filantes. Je sais ce que je veux, ou plutôt qui je ne veux pas. Ça m'aura pris un temps fou pour le comprendre. Encore maintenant, je doute en relisant des lignes fanées à propos du creux de son odeur et de ses bras.

(C'est bizarre d'être de retour -là où les seuls reliefs sont gris et bétonnés. Et c'est encore plus bizarre, la jolie page toute blanche devant moi -ceci est une métaphore.)
Ecrit par Plog, à 22:59 dans la rubrique I'm Not There.
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